Chacune des brindilles de gazon porte maintenant son manteau blanc. L’hiver s’est installé. Lorsqu’on respire à l’extérieur, l’air qui entre glace nos paroies nasales et celui qui sort nous plonge dans un nuage de fumée. C’est un signe hivernal! Et sur cette neige, des paillettes pétillantes de soleil. Décor propice à la réflexion!
Nous avons tous vu défiler sur les médias sociaux les messages illustrés à la morale qui fait du bien. « Here, it’s where magic happens », vous l’avez vu? Voyez-vous ce cercle défini en périphérie éloignée duquel un point se tient fier sous cette phrase de moins de dix mots qui secouent? Non? La voilà!
Eh bien, chaque fois, en effet, que je me suis aventurée vers ce point, quelque chose de magique est né. Or, ce n’est pas du tout survenu de la manière que j’escomptais. C’est pour ça que je ne la voyais pas s’opérer, cette magie. Et le doute s’installait, et je revenais en lieu sûr, là où la certitude apaise. Chaque soir pourtant, je regarde au loin ce point-citation comme une étoile, mais la dernière fois que je l’ai approché, mes attentes ont été déçues. Déception, doute, désengagement. Mais sécurité. Peut-être le mystère de la foi est-il grand, mais celui de la peur l’est mille fois plus. Ventre noué, quinte de larmes, insomnie, stress, fatigue, sentiment d’inachevé, je construis le champ lexical de la peur.
« Chaque jour, +1 », aurait dit en français John Hattie, s’il eut parlé cette langue. Depuis que j’ai choisi l’enseignement, depuis que j’ai choisi l’apprentissage, chaque jour, j’ai fait +1. Chaque jour. Je ne me souviens que d’un petit nombre d’entre eux. Parfois, c’est en me remémorant hier que je parviens à les voir. Mais hier, je ne le voyais pas, j’avais l’impression d’avoir reculé. Hier avait fait naitre découragement, doute et déception. Par chance, aujourd’hui est toujours là et demain existe encore!
+1 grâce à ces enseignants passionnés et inspirants qui m’ont fait gouter à une école savoureuse.
+1 grâce à mes collègues de classe avec qui j’ai appris lors de nos soirées d’études. Ce que nous avons appris en questionnant la pertinence de certains travaux, de certaines notions! On apprenait à réfléchir, à tenter de trouver un sens! Seule, ça tourbillonnait! Parfois, c’était bon de pouvoir normaliser, partager, développer avec des pairs, amis, partenaires dans l’apprentissage!
+1 grâce à la curiosité.
+1 grâce à ces quatre enseignants qui m’ont accueillie comme stagiaire. Je ne pense pas qu’on octroie assez d’importance à ces rencontres professionnelles… Les stages sont, en fait, un accès privilégié et généreux à la réalité scolaire guidé par un expert du quotidien de la classe. Il n’y a rien de plus vrai que ce qui se passe dans une classe pour apprendre l’enseignement et voir s’opérer la dynamique de l’apprentissage.
+1 grâce à ces @ et # qui se sont mis à défiler sur un fil d’actualité qui me nourrit de ce que j’ai demandé. Twitter et les groupes Facebook permettent même un +1 à la seconde! Cela peut mener à une saturation. À consommer avec modération! Posologie : +1 au besoin.
+1 grâce aux défis que mes élèves m’ont lancés, chaque jour en ne comprenant pas, en disant que c’était impossible, que ça n’avait pas rapport, … Chaque fois, ils m’ont amenée à mieux comprendre les processus d’apprentissage, l’importance des deux piliers que sont les émotions et les sentiments. Ce n’est pas survenu sans ces phases de déception, de doute et de désengagement pourtant, mais aujourd’hui, je vois tous les +1.
+1 grâce aux défis professionnels qu’on m’offre de relever. Vivre l’enseignement-apprentissage en ayant le privilège de pouvoir regarder la situation d’un autre angle, c’est inestimable! Chacune des composantes organisationnelles de l’enseignement-apprentissage compte, joue un rôle, influence, a un impact sur l’apprentissage, cœur de l’éducation. Chaque +1 professionnel se constate entre moult instants de déception et de doute momentanés.
+1 grâce à mes collègues dont l’expertise, différente de la mienne, est complémentaire et nourrissante. Il m’arrive de m’imaginer ce qu’une chaine d’addition de notre expertise à chacun pourrait donner comme résultat. Le total serait pétillant! Les CAP (communautés d’apprentissage professionnel) sont le moteur d’un travail où l’expertise de chacun fait tourner le moteur. Je me retrouve, apprenante perpétuelle, à construire le sens avec mes collègues, à questionner, à réfléchir, à expérimenter, à partager.
+1 grâce aux résultats de recherche en éducation. J’aime découvrir cette séquence d’analyse, ce cercle perpétuel de l’apprentissage.
On n’a pas toujours la solution au moment où on croise un obstacle. Chaque fois, on a deux choix : « aller vers » ou « éviter de ». En « allant vers », on choisit de persévérer, de croire qu’il y a un moyen, ne serait-ce que de changer de chemin, d’accepter l’expertise des autres en la matière pour franchir cet obstacle qu’on peut considérer comme insurmontable à prime abord. « Aller vers » ne signifie pas que la peur n’est pas là… En « évitant de », on refuse d’accepter qu’on a d’autres possibilités, on décrit l’embuche, on est déçu, on doute, on se désengage.
Ce matin, en regardant les cristaux sur la neige, j’ai fait rouler la roue…
Les chercheurs font une prise de données, l’interprètent, choisissent une piste, l’explorent puis refont une prise de données et ainsi de suite jusqu’à l’atteinte de l’objectif qu’ils se sont fixé. Là, peut-être qu’un autre sera fixé. Les objectifs sont faits pour être atteints sans quoi le sentiment d’accomplissement ne vient jamais! Comment saurais-je que je réussis? Est-ce que cela ne se calcule qu’en pourcentage, en argent, en matériel ou en nombre d’amis? La réussite n’est-elle que sociale? La réussite, c’est de pouvoir se dire qu’on a fait, chaque jour, +1. Et ce +1, il dépend du point de départ de chacun. +1 ajouté à une équation demeurera toujours +1, il aura la même valeur.
Et la roue tourne.
Point de départ : la solitude de Jérémy.
Prise de données : faits de vécu, constats d’attitude, émotions nommées
Interprétation : fausse croyance (les faits prouvent que la croyance est fausse, mais bien ancrée) née d’émotions perçues comme vraies
Choix d’objectif : rendre visibles les occupations sociales du quotidien pour que soient aussi visibles les pleins, pas que le vide, impression de la solitude.
Choix de l’intervention et expérimentation : au quotidien, un calendrier est rempli et un bonhomme attitude est dessiné pour illustrer l’état émotif.
Prise de données : combien de jour l’émotion positive était au rendez-vous? Qu’est-ce que ces jours avaient de particulier? Quel contrôle as-tu eu sur ce qui se passait ces mêmes journées? Es-tu surpris du nombre de jours où tu ne te sentais pas seul? Qu’est-ce que cela te dit?
Interprétations : …
Choix d’objectif :…
Choix d’intervention et expérimentation :…
Prise de données : …
Peu importe le point de départ.
Professionnel, relationnel, monétaire, caractériel, émotionnel, etcaetérel.
* L’idée du +1 provient de Visible learning for teachers de Hattie, 2012.